À l’attention des affameurs, des expulseurs et de leurs sbires
La sentence est tombée comme un pavé soixante-huitard. Le squat du Très très grand cœur, situé 31 rue du Père Fabre à Figuerolles, occupé depuis deux mois, est expulsable sans délai. Comme vos services eux-mêmes l’ont fait remarquer, vous déplacez le problème en lieu et place de sa résolution. Ce ne sont pas vos sinistres usines et vos couloirs scolaires que nous allons maintenant hanter, convaincus que nous aurions pu être par vos rhétoriques réactionnaires. Croyez bien que notre volonté n’est pas entamée d’un quart, et que nous trouverons de nouvelles places dans les autres bâtiments que vous laissez vides, qui se comptent par milliers.
Néanmoins, nous notons cela : une promesse. Celle faite par le directeur de la SERM (Société d’Équipement de la Région Montpelliéraine), qui assure par tierce voie que nous ne serons pas expulsés cet hiver. Et nous apprécions cette décision à sa juste valeur. Toutefois, bien que la maison soit vaste, elle ne peut accueillir la misère que vos ancêtres ont créé, la même en vérité que vous contribuez a maintenir, voire à aggraver. Comprenez bien, ou ignorez, qu’il ne s’agit toujours que de la même lutte, du même combat, de la même guerre et que nos défaites ne prouvent rien, si ce n’est que nous étions trop peu nombreux à lutter contre l’infamie.
L’entreprise qui organise la pauvreté, dans le cas présent, est donc la SERM. Faut-il préciser qu’elle est en cela aidée par les pouvoirs dits publics ? Quoi qu’il en soit, ce fut cette entité qui nous assigna au tribunal. Cette même entité qui nous reproche d’enfreindre sa loi, n’est-elle pas en ce même intervalle traînée dans la boue par votre Cour des comptes ? N’est-elle pas à l’heure où nous parlons accusée de complaisance dans ses appels d’offre ? Vous répondrez probablement qu’existe la présomption d’innocence, qui nous interdit de porter ce genre de jugement. Nous répondrons alors en chœur qu’il n’est pas d’innocence pour des êtres qui en condamnent d’autres à la rue ou à la précarité, pas plus qu’il n’y a d’accalmie dans la tempête que nous traversons.
Voilà des années qu’existe à Montpellier, comme dans d’autres villes de France, le désir de disposer d’un espace autogéré qui permettrait la diffusion d’une autre culture, porteuse d’une critique radicale, et qui serait également un lieu de vie pour certaines personnes. Voilà deux mois que nous nous battons pour présenter ce projet, après le tribunal, les rendez-vous avec des employés de la mairie, la perturbation du conseil municipal. Et il semble pourtant que vous ne voulez pas nous comprendre, ni même nous entendre.
À cette mairie qui se proclame socialiste, actionnaire majoritaire de la SERM, nous clamons que leur pouvoir est sur le point de s’éteindre et que nous ne sommes pas résolus à abandonner quoi que ce soit.
À Maître NOY, l’avocate de la SERM, qui argumente que de la pauvreté ne peut germer la politique, et que nous serions coupables par défaut, nous répondons que la vilenie de ses paroles saura trouver écho dans l’abîme de nos révoltes.
Au Midi Libre, journal parmi tant d’autres dont on connaît l’allégeance, nous avançons que la médiocrité crasse de leur journalisme est à hauteur de celle que répand le système qu’ils alimentent.
Aux travailleurs qui participent aux expulsions, nous lançons un appel fort pour que leur conscience se dresse et cesse de se ployer aux exigences d’un salariat qui les rend trop souvent fiers et endormis.
Aux forces armées du capital, nous ne leur souhaitons que de disparaître.
Au vieux monde, nous annonçons son engloutissement dans la joie de nos révolutions.