La justice a prononcé hier l’expulsion immédiate d’un squat d’étudiants.
La loi n’a jamais beaucoup aimé les utopies. Hier, le juge a ordonné «l’expulsion immédiate» des habitants du Grraou Grand Refuge révolutionnaire anarchiste ouvert à l’unanimité, ce squat du vieux Montpellier occupé depuis janvier par une poignée d’étudiants en sciences politiques qui en avaient fait un lieu de convivialité libertaire (Libération du 10 juin).
Quatre minuscules étages empilés dans un vieil immeuble insalubre du centre-ville. Aux troisième et quatrième étages logent les six squatteurs réguliers. Au deuxième se trouve une «zone de gratuité», où chacun vient déposer et prendre des objets en fonction de ses besoins. Et au premier, une petite cuisine et un salon, dont les banquettes accueillent les sans-logis de passage. Dans ce quartier très étudiant de la ville, les Grraou se sont fait connaître en organisant des repas ouverts à tous avec cuisine bio et prix complètement libres. Mais voilà. Devant un juge, les arguments d’hospitalité et d’animation de quartier même renforcés par celui de la crise du logement à Montpellier, où les loyers ont été multipliés par deux en quelques années ne font guère le poids face à la loi garantissant la propriété. D’autant plus que les Grraou ne sont pas forcément bien tombés en choisissant cet immeuble. Car le lieu venait d’être racheté par la Serm, une société d’aménagement mandatée par la mairie pour réhabiliter les logements délabrés du centre-ville avant de les revendre soit à un office de HLM, soit à un bailleur privé, mais tenu de pratiquer des loyers maîtrisés. «Les Grraou et la Serm mènent le même combat : la lutte contre la pénurie de logements, avait souligné l’avocate de la Serm lors de l’audience, il y a trois semaines. Mais leurs méthodes sont contreproductives, puisqu’elles grippent l’action de la Serm.»
Coup de hache.
Réplique des Grraou : «L’action de la Serm ressemble à un pansement appliqué sur un coup de hache. Pour des étudiants boursiers comme nous, comment voulez-vous que nous nous logions quand le Crous est asphyxié de demandes et que le moindre studio est proposé à 400 euros par mois ?» Observant que le dossier «ne concerne pas des immeubles pour lesquels aucun projet n’est en cours», le juge s’est montré particulièrement sévère, supprimant même le délai de deux mois habituellement accordé en cas d’expulsion. Aucun espoir, donc, que les choses traînent suffisamment pour atteindre le 1er novembre et la trêve de l’hiver. Hier, les squatteurs n’avaient pas encore «discuté collectivement» de la réaction à avoir face à une expulsion par la police. «Nous avons envoyé un courrier à la mairie, leur demandant de nous accueillir dans un autre bâtiment, avec un projet de lieu alternatif», lance Quentin. Réaction, hier, des services de la ville : «La pénurie de logements est telle que nous ne pouvons pas nous offrir le luxe de soutenir ce projet, aussi sympathique soit-il.» Reste l’option de migrer vers un autre espace, solution déjà «envisagée» par le Grraou.