Pracou a dormi longtemps, avant qu’on s’y installe. Charognards et édiles s’branlaient sur l’pactole qu’ils allaient pécho à la revente de ce hameau payé un euro ; profit sur le dos d’un cadavre d’asso qu’avait sué sang et eau pour remettre vivable des logis multicentenaires rendus au vide et aux bruyères. C’t’asso en faillite devait faire le bonheur des mesquins incapables. Ce bled méritait bien qu’on s’y invite ! Et foi d’montagnard décidé, on dirait bien qu’il a kiffé ! Lui, les poules, les châtaigniers, toutes les baraques à qui la vie manquait, une meute de clebs en liberté… la vie, bordel de barrique ! Que l’dieu pognon s’tire d’not’soleil, on s’y démerdait à merveille, au moins pour pas être trop blasées, prendre d’la hauteur, les yeux ouverts, écarquillés pour prendre le temps de penser, apprendre quoi faire, quoi attaquer, pour plus être seules à parfois souffler.
On a vécu trois piges, en essayant d’faire les choses bien, on a même ficelé un dossier qui disait : « On est pas venus ruiner vos ruines, foutez-nous donc la paix qu’on mitonne not’cuisine ! » Autant causer à des tombes et ils en sont pas loin. Pour vous les décrire, y’a plus d’une pige le 12 janvier, un jour qu’y caillait, une tite armée a essayé d’crapahuter pour nous virer. Pas de bol pour les porcs et leurs préfets, la route ressemblait plutôt à une piste de Super-Gé ; pas de remontée mécanique ce jour-là, la montagne blanche leur fait la nique. D’autant que leur image de maîtres charitables en aurait pris un coup ; mesquins, qu’on vous disait !
Une pige plus tard et ça s’complique, la sous-préfette rameute cent flics pour le prix de deux-trois ans d’smic, un chèque en bleu pour ces cyniques, allez ! Un prix d’gros pour jarreter les potos, la haine coûte cher mais ramasse gros… et là, on vous rappelle que c’est avec nos vies qu’ils jouent au loto.
Mais contre cent matraques, cent armures, cent casques, cent entraînements quotidiens, trente tazers, vingt flash-balls, quinze camions, quatre huisssiers, quatre-vingt-sept mètres cubes de démenageurs, toute la journée devant eux et la cruelle abscence d’un seul gramme de cerveau valide, qu’est-ce tu veux faire copain ? Retourner deux fois sur les toits ? Ça c’est fait. Mais les bâtards… ils nous ont descendu.
Ah oui, la dernière blague : la DDASS offre trois nuits d’hôtel à cent bornes de chez nous, comme aux sans-pap’. Que vivent les sans-pap’, eux on les aime ! C’t’histoire est pas finie, parole de pauvres, et eux ils ont l’argent, nous on a l’temps, à eux les œillères de profiteurs bornés, à nous la rage et la malice, on les aura, nique toute police, jusqu’au chien de garde dans nos têtes froncées. La d’ssus on vous ment pas on est déterminés parce que notre but c’est la fin d’un règne, Y’a plein d’façons de ramasser des châtaignes…
QUELQUES PRÉCISIONS
SPÉCULER : La mairie d’Arphy récupère le hameau de Pratcoustals pour 1 franc symbolique, à l’association « les compagnons du cap » et le laisse 10 ans à l’abandon dans l’idée de faire du fric en vendant des maisons comme résidences secondaires, gîtes HQE, pour écotouristes consommateurs de loisirs dans le musée cévenol (c’est pas honnête !). Et c’est pas seulement ici, les centers parks pullulent partout ailleurs.
SQUATTER : Un groupe de gens s’installe parce que c’est pas logique de partager son RSA entre loyers et poulets « Bien vu » (et t’as vu le prix des yaourts !), ou gaspiller son temps à bosser pour 10 m² de plus et du label Bio (c’est abusave!). De toute façon on a pas le temps pour ça, on veut vivre ensemble pour vivre, ensemble.
EXPULSER : Expulséees. Le 31 mai, 9 heures de temps, 30’000 euros, un checkpoint, des barrages routiers à 10 km à la ronde, déménageurs zélés et crapuleux.
RESSENTIR : La rage face aux humiliations des flics, de l’État, des propriétaires, de l’administration et par-dessus tout ça les honnêtes délateurs, sacs à merde, prêts à tout pour défendre leur routine.
C’est Arrivé Près de Chez Toi : des squatteurs expulsées (la Borie, Prat del Ronc, les cabanes, camps des indignées, à Montpellier, la Crysalid…), des sans-papiers raflés, des gens emprisonnés…
S’INDIGNER : (Même si c’est à la mode) ne suffit pas.
SOUTENIR : Les expériences a-normées et tout ce qui défie cette société merdique.
SE RETROUVER : Samedi 4 juin au marché du Vigan, après le marché, pour discuter, pour s’organiser, pour manger ensemble, boire un coup, parce qu’on est festifs et rageurs. Rendez-vous à la sous-préfecture à 14h.
Guerrila rurale – Guerre sociale.