Le défibrillateur sauve le Très Très Grand Coeur

Décision quant à l’expulsion reportée à la semaine prochaine

Petit rappel des soubresauts : Jeudi 13 octobre est diagnostiqué par les services de la mairie un risque d’infarctus du myocarde au squat du Très très grand cœur. L’opération de sauvetage fut fixée pour le mercredi 19 octobre. Le représentant de la BIERE réussit à différer l’opération afin de pouvoir revérifier lui-même les pièces du dossier et le médecin chef lui répondit que malgré l’urgence de la situation, il lui accordait une semaine. Pour plus de renseignements, consulter notre premier numéro.

Notre envoyé spécial sur place requit l’autorisation de discuter avec le Très très grand cœur afin que vous puissiez par vous-même évaluer son état de santé. Les gardes de l’hôpital lui refusèrent. Frustré, il fabriqua alors un jet-pack fonctionnant à l’huile de colza et parvint, héroïquement et sans trop se blesser, à se faufiler par une des fenêtres du soi-disant malade.

Salut, salut ! Bon, paraît que ça va pas fort ?

Bien sur qu’si ça va ! Ils m’emmerdent avec leurs machines à la con et leurs spécialistes de mes deux, j’m’en vais t’les emplafonner à coups de trique ces rigolards, moi ! J’en peux plus de m’terrer dans c’vieil hôpital pourri, ça pue l’rat mon gars, on s’croirait chez les Tortues Ninja. Sérieux, pourquoi i’m’font chier ? J’leur ai rien d’mandé moi, j’veux juste un endroit pépère tranquille où poser mon cul quand j’ai la cagne et mettre en branle deux ou trois d’mes idées, c’quand même pas l’bout du monde, si ?

Euh oui… Très probablement. Mais pourquoi avoir choisi le 31, rue du Père Fabre pour vous installer ? Et pourquoi s’y installer de manière illégale ?

J’ai choisi cet endroit parce qu’il est près d’un quartier vivant. Un quartier qui bouge encore, certes, peut-être ne sont-ce que ses derniers spasmes avant l’euthanasie, mais on y trouve néanmoins quelques étincelles intéressantes. Et puis j’ai toujours eu beaucoup de compassion pour mes frères immeubles, les voir se vider des vies qu’ils hébergent crée un vide en moi qui parfois se transforme en flot de lave brûlante ivre de colère. Je m’y suis glissé dans une perspective de squat parce que l’idée de devoir vider ma bourse tous les mois pour grossir celle de bourgeois peu scrupuleux ne m’enchante qu’à moitié, et voir que des êtres humains s’arrogent des droits de propriété sur ce qui devrait appartenir à tout le monde me donne envie de vomir.

Très bien… Euh… J’avais pas prévu ce genre de réponse, à tout vous dire. Je suis pas sûr de pouvoir les reproduire, mais je ferai de mon mieux. Il paraît que vous êtes un lieu ouvert à tout le monde ?

A tout le monde ? Non, faut pas déconner non plus. Les flics et les huissiers ont le devoir de rester à plus de cent mètres, et il en va de même pour les salopards du genre raciste et compagnie. Pour le reste, oui, on accueille les gens qui en ont envie ou besoin, les curieux.ses, les vagabond.e.s, les copains.ines… Notre but est la revivification du quartier, la quête du tissu social, la diffusion d’idées…

Et que fais-tu pour tout ça ?

J’organise des réunions et des ateliers, mec ! C’est la galère, il faut conjointement faire du squat un vrai lieu de vie et organiser tout un tas d’activités. J’ai déjà organisé un atelier photo où on fabriquait ses propres appareils avec des boîtes de conserves, un atelier crème de châtaigne aussi, deux repas de quartier et là je vais m’immiscer au sein de l’association de quartier qui organise un vide-grenier samedi 22 octobre, ouvrir une zone de gratuité avec vêtements récupérés et faire à manger. Ça démarre doucement, ça se passe bien, il faut faire comprendre aux gens que je suis loin du cliché « squat TF1 », je suis propre (j’essaie…), je suis vivant, je suis lumineux, je suis beau. Mais j’ai besoin de temps pour bien faire tourner la machine, alors cette opération, vous comprenez… Elle m’ennuie royalement.

Bien. Je crois que je vais m’arrêter ici. En plus j’entends des pas dans l’escalier, j’ai peur que ce ne soient les gardes que j’ai feintés tout à l’heure. Alors je vous dis à bientôt, peut-être !

Le carnet de notre envoyé fut retrouvé à dix kilomètres de là sans notes supplémentaires. En effet, le colza lui manquant, il essaya de se propulser avec une bonbonne d’hydrogène qu’il avait malicieusement chapardé dans la réserve du bâtiment. Le système fut trop efficace. La NASA est actuellement occupé à le localiser, aux dernières nouvelles il serait en orbite autour de Saturne. Des ondes radios ont été captées par un satellite tahitien, elles annonceraient le message suivant :

RENDEZ-VOUS MERCREDI 26 OCTOBRE

DÈS 9H A LA CITE JUDICIAIRE MÉDITERRANÉE

Et venez me chercher, putain de bordel de merde !

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