Quelques nouvelles du Grraou

Bonjour à toustes!

Nous avons le plaisir, d’une: de vous proposer un nouveau repas de quartier le dimanche 24 avril 2005, rue du plan de l’Olivier à Montpellier, et de deux: de vous donner des nouvelles, parce que les choses se sont un peu accélérées ces derniers temps.

Donc d’abord, un nouveau repas de quartier festif et subversif aura lieu dimanche à partir de midi rue du plan de l’olivier à Montpellier, avec plein de surprises! (à manger, à boire, de la lecture, de la musique comme d’hab’ et pis aussi concours de billes, atelier calligraphie… et ptet même une projection vidéo!)

Pour ce qui est des news…
Cela va faire trois mois que le Grraou est ouvert, et figurez-vous que le propriétaire en a mis plus de deux avant de se rendre compte de notre existence! C’est donc pour ça qu’on n’a pas trop communiqué notre adresse. Maintenant plus de problème! On est au…. 3, rue du Refuge! à Montpellier donc, et notre téléphone, pour nous prévenir si vous voulez passer, c’est le 04 67 55 96 73.

Un collectif d’une dizaine de personnes a donc pris possession de l’immeuble, ayant besoin de logement et/ou d’espace pour y développer des activités, réaliser des envies, vivre en collectif. Domicile principal pour 5 personnes, cet immeuble comportant 4 pièces et 3 cuisines a également servi depuis son ouverture de refuge temporaire pour des personnes en situation d’urgence, ou pour des personnes de passage, venues d’Allemagne, de Romans, de Paris, de Marseille, de Nice ou de Grenoble, puis repartant. Des collectifs tiennent leurs réunions dans une pièce commune, une zone de gratuité permet de stocker des objets trouvés ou donnés pour que d’autres personnes trouvent ce dont elles ont besoin, et surtout, une vraie dynamique sociale s’est créée avec le voisinage, avec des repas de quartier tous les mois (dimanches 20 février, rue de la verrerie, et 20 mars, rue du berger), des visites de plus en plus régulières de la part de voisins.

Ce n’est que le mercredi 23 mars qu’un employé de la SERM s’est apperçu de l’occupation de l’immeuble, c’est-à-dire au bout de deux mois, ce qui montre le peu d’intérêt de l’entreprise pour l’immeuble.

Mais au fait, la SERM, c’est quoi?
La Société d’équipement de la Région Montpelliéraine a été crée en 1961 pour réaliser les grands projets urbains de la ville de Montpellier et son agglomération: La Paillade, Port Marianne, Odysseum, Antigone, l’aéroport, la patinoire Végapolis, le commissariat de police, la piscine olympique, la bibliothèque centrale, la planétarium Galilée, Euromédecine, le Musée Fabre, le Corum…
Les actionnaires principaux de la SERM sont la ville de Montpellier (41,38%, qui préside la SERM en la personne de Robert Subra), l’agglomération de Montpellier (27, 61%) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour 17,03%, « une institution financière publique, en charge de missions d’intérêt général qui lui sont confiées par l’Etat et les collectivités territoriales. » ( http://www.caissedesdepots.fr). Ces trois organismes détiennent ainsi 86,02% de l’entreprise. Si l’on ajoute les autres institutions publiques, (département de l’Hérault, commune de Palavas, CCI, la société centrale d’équipement du territoire (branche de la CDC), le total atteint 89,20%. Avec la Caisse d’épargne (banque quasi-publique, dont la société locale d’épargne est présidée par François Delacroix qui cumule avec la fonction de directeur de cabinet de Georges Frêche) et la SOMMIMON (entreprise montpelliéraine présidée par l’agglomération), ce total atteint 96,19%. Et le résidu appartient à d’autres banques (Dexia, Crédit Mutuel, Crédit Foncier, Crédit Lyonnais).

La situation n’est donc pas celle d’une atteinte à la propriété privée.
C’est au contraire une solution trouvée pour faire face à la crise du logement à laquelle les pouvoirs publics (tous impliqués dans la SERM) n’apportent pas assez de réponse, ni quantitativement (10,3% des logements sont sociaux en Languedoc Roussillon, alors que la loi SRU en fixe 20%, 75000 demandes en attente et 36 mois d’attente en moyenne), ni qualitativement (aucune solution d’habitat collectif alors que la même loi indique que les politiques d’aide au logement doivent être de nature à assurer la liberté de choix de son mode d’habitation).

La SERM est notamment au coeur de l’opération Grand Coeur, et c’est dans ce cadre qu’elle a pris possession de l’immeuble où nous sommes aujourd’hui. Pourtant, la personne que nous avons vue n’a pu aucunement nous dire quelle serait la nature des futurs appartements qui y seraient faits (public, privé conventionné ou pas…). La seule chose que nous savons c’est qu’ils considèrent que des travaux sont à faire avant de mettre l’immeuble sur le marché, bien qu’il ne soit pas en état de péril (et nous confirmons que si son état le rend impropre à la location, il reste parfaitement vivable).

En attendant que le propriétaire se rende compte de notre présence nous nous sommes surtout attachées à soigner notre communication avec les voisines et voisins. Voici ce qu’on peut trouver d’afficheé sur notre porte (magnifiquement repeinte en rouge et noir):

Chers voisins et voisines !

Depuis plus de deux mois maintenant, comme vous avez sûrement dû vous en rendre compte, est ouverte ici une maison populaire de quartier, le Grraou.

Une maison populaire de quartier ?

D’autres diront qu’il s’agit d’un squat. Nous ne récusons pas ce terme.
Mais il y a tellement de formes différentes de squat, que la formule maison populaire de quartier peut permettre de mieux comprendre la raison d’être de cette habitation. Et surtout, qu’elle sera ce que nous en ferons, ensemble !
Ce n’est pas, seulement, un endroit que nous avons ouvert afin de permettre à certains-es d’entre nous de ne plus être à la rue. C’est aussi et surtout, nous l’espérons, un endroit où les gens pourront se rencontrer, mener à bien des projets collectifs. De par cette démarche nous voulons renouer avec des formes de solidarité qui disparaissent, voire qui sont maintenant punies par la loi.
Ce lieu, c’est un espace qui rend possible des ateliers, artistiques ou créatifs, ça peut être un atelier sur les graines et la biodiversité, de la peinture, la construction d’un four solaire… Tout ce que chacun est chacune a envie de faire.
C’est un espace où sont possibles des moments de convivialité, de débat, de discussions, de réflexion sur des savoir-faire, sur des savoir-vivre…
C’est une maison pour nous tous qu’on peut faire vivre par nous tous.

À l’heure qu’il est, nous sommes en train de mettre en place une zone de gratuité, c’est-à-dire un espace où chacun est chacune peut y déposer des vêtements, de la vaisselle, des outils… en bref, tout ce qui pourra servir davantage à d’autres qu’à soi-même, et chacun-e peut aussi récupérer ce qui l’intéresse, hors de tout commerce marchand.
Nous avons aussi récupéré et mis en commun du matériel avec lequel nous avons constitué un ordinateur, qui, dès que possible, sera ouvert à tous et à toutes, pour favoriser un usage collectif des biens. Un accès à Internet sera peut-être possible.
Un Infokiosk — ensemble de brochures d’information alternative — est déjà consultable, et fonctionne par le système du Prix Libre, ainsi qu’une petite bibliothèque en devenir.
Enfin, des projections de films suivies ou non de débats verront bientôt le jour, et libre à chacun-e de proposer des cassettes-vidéos à visionner ou des discussions…
Peut-être pourrons-nous mettre en place si des personnes sont intéressées, un système de récupération du compost -et son utilisation-, une ludothèque pour les enfants, un atelier bricolage, un journal d’information et d’expression autogéré…

Alors que le centre-ville est historiquement un quartier populaire, la politique actuelle vise à le rendre attractif pour les couches aisées de la population. D’où la piétonisation, le projet « Grand Coeur », qui incite à des rénovations qui font grimper les loyers à des niveaux inaccessibles pour ceux qui n’ont pas d’emploi, ou un faible revenu…
En attendant des bâtiments entiers restent vides, en attendant l’investisseur qui les transformera en résidence de haut standing, en attendant la nouvelle idée mégalomane que la mairie trouvera pour les utiliser.
Résultat : la ville se meurt et notamment de ce côté-ci de la rue de la Loge. L’ancienne école de chimie est un bon symbole de ce gâchis, on peut imaginer le nombre de personnes sans logement qui pourraient y habiter, le nombre d’activités qui pourraient s’y dérouler.

En attendant, le Grraou se remplit et c’est un peu là une contre-attaque à ce cours des choses. D’un espace vide éteint sans vie, nous voulons faire un lieu accueillant pour toutes celles et ceux qui ne veulent pas rester isolés-es, séparés-es les uns des autres. C’est un endroit où on pourrait être tout simplement bien, dans un espace vivant plutôt que vide, accueillant plutôt qu’éteint, de rencontres plutôt que d’isolement. La réussite de ce projet dépend donc, aussi, de vous, de votre envie à tous de faire vivre le quartier, de le rendre encore plus convivial et agréable à vivre, de rencontrer ses autres habitants, nos voisins et voisines…

Seulement (nous sommes toujours sur Terre), un envoyé de la SERM puis un huissier sont passés nous rappeler que nous risquons l’expulsion, tout en acceptant de discuter et en se montrant ouverts à d’éventuelles négociations…
C’est pourquoi depuis notre arrivée nous travaillons sur un dossier juridique, qui, on l’espère nous aidera à expliquer et à défendre nos positions concernant la misère du logement à Montpellier comme partout, notre volonté de construire des projets participatifs de quartier et notre devoir de réappropriation de l’espace public.

Si vous estimez que cela vous concerne aussi ou que nous méritons un soutien, vous pouvez apportez votre aide en remplissant une attestation de voisinage qui n’engage que votre parole, et qui nous servira à prouver que ce lieu était vide et que notre présence vous semble justifiée, et non nuisible. Une photocopie recto-verso de votre carte d’identité sera nécessaire pour que le tribunal accepte vos attestations. Merci à vous, les attestations sont à demander aux personnes présentes lors de votre passage, (préférez l’après-midi), sinon laissez-nous un mot sous la porte avec votre adresse, nous passerons vous les donner.
Important : le temps presse ! Merci à vous.

Après les deux premiers repas de quartier, qui nous ont permis de mieux nous connaître, pourquoi pas un troisième, accompagné d’activités et de discussions ? Des personnes du quartier ont déjà manifesté leur intérêt, libre à vous de proposer ce qui vous semble avoir sa place (lecture de contes, musique, poésie, subversion…)

A bientôt, et merci à ceux et celles qui nous ont dit qu’on avait la plus belle porte du quartier ; faîtes comme nous : repeignez la vôtre !

Les squatteur-euses du Grraou.

Dernière minute: nous venons de recevoir une lettre d’Hélène Mandroux, maire de Montpellier, qui dit seulement qu’elle transmet le courrier que nous avons envoyé à son adjointe déléguée au quartier centre…
Wait and see…
A bientôt
Grraou!!!

Les squatteur-euses du Grraou

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